“Il faut que jeunesse se passe” …
Voilà bien un de ces lieux communs propres à exciter la verve exégétique d’un
Léon Bloy, et que chacune des images proposées précédemment pourfendent en ce qu’elles semblent, en immortalisant l’instant fugace, avoir cristallisé comme par enchantement la jeunesse même surprise insouciante dans une extase éternelle. Non, jeunesse ne passera pas.
Ce portfolio, disons le franchement, est le chef-d’œuvre de son auteur,
André Collot, dessinateur français prolifique à la carrière au long cours qui s’est fait une spécialité de l’illustration de romans en tout genre. Cependant, c’est sur une courte décennie, celle des années 30, qu’il aura donné le meilleur de lui-même -du moins pour la partie qui nous intéresse, car au-delà, force est de constater qu'il se heurta bien vite aux écueils de la facilité et sombra dans la répétition adoptant une manière portée par une hardiesse gauloise dénuée de toute subtilité.
Mais revenons à cette série d’estampes où l’artiste paraît comme en état de grâce. Il y présente une figure aimable, gracieuse, à l’opposé de la face sombre et parfois même effrayante que ce Janus a pu révéler (en témoigne son interprétation des
120 journées de Sodome de
Sade à laquelle nous nous attarderons plus tard, s’il nous en est donné le loisir) qui magnifie l’élan vital propre à la jeunesse, dans une variété de jeux et de positions enivrante.
Notre dictionnaire nous apporte à ce sujet cette définition: “temps de la vie entre l’enfance et la maturité” puis cette autre: “les personnes jeunes des deux sexes; les jeunes”. Et pour cause, dans le dessin pornographique c’est la jeunesse qui presque toujours triomphe, magnifiée sur le papier par des artistes qui bien souvent, ne le sont plus guère. Ainsi notre homme André Collot alors âgé de 36 ans et comme pour reculer la venue du spectre de sa propre jeunesse, traduit-là la fougue animant un duo adultère, la passion de jeunes époux, l’inventivité de jeunes amies se livrant au tribadisme, ou bien les jeux de quelques solitaires se réfugiant dans la manstrupation (pour parler la langue de
Casanova). Une jeunesse dorée, de belle figure et qui ne rougit pas, semblant tout ignorer des remous -nous sommes en 1933, qui font tanguer le navire …
Il faut admirer le trait de crayon, précis et économe, une épure qui fait scintiller les plus anodins détails (une montre-bracelet, un éphéméride, une jarretière, une corbeille renversée, ou bien une goutte de liqueur vénérienne), aussi les ombres qui soulignent la fermeté de ces jeunes corps, la subtilité infinie des nuance de gris qui nous font songer aux maîtres de l’ukiyo-e, ces couleurs tendres conférées aux chevelures, aux vêtements, et ça et là, ces rehauts, pour la carnation.
Aussi sommes-nous heureux de partager avec vous ces quelques images qui répondent le mieux à la vocation essentielle du dessin pornographique: servir, tel le symbole au concept, de support à l’imagination défaillante.
Source et
éléments bibliographiques